mercredi 10 septembre 2008

MAI-68 ET QUARANTE ANS APRÈS ?

Quarante ans après, nous célébrons par pure coïncidence l'anniversaire de Mai-68 et l'élection de monsieur Nicolas Sarkozy. Notre nouveau président annonçait il y a un an, vouloir liquider l'héritage de Mai-68. On peut s'interroger aujourd'hui sur les raisons et l'opportunité de cette décision.
A l'heure où Nicolas Sarkozy veut oublier Mai-68, il est bon de se souvenir des moments forts de cette période de notre histoire. Le Général de Gaulle est à la tête de la France depuis 10 ans. La population subit les conséquences de l'inflation et du chomage et les motifs de mécontentement ne manquent pas à l'encontre d'un gouvernement confronté à l'usure du pouvoir. Le 22 mars, les étudiants de la Faculté de Nanterre se structurent autour d'un mouvement, après l'arrestation de 3 d'entre eux qui manifestaient contre la guerre du Viet-Nam. La faculté est fermée, et le 3 mai, le mouvement se déplace vers la Sorbonne. La nuit du 10 au 11 mai, appelée "nuit des barricades", marque l'apogée du mouvement.
La jeunesse contestataire bat alors son plein en Europe, mais le rapprochement entre syndicats étudiants et ouvriers constitue une particularité bien française : les travailleurs décident de soutenir le mouvement étudiant et organisent une grève générale, le 13 mai. Un slogan révèle bien la politisation du mouvement : "10 ans, ça suffit". Du 14 au 20 mai, les grèves se multiplient dans les usines et paralysent l'économie française. Le Général de Gaulle tente alors de rétablir l'ordre, mais en vain. Le 29 mai le Général de Gaulle rencontre le Général Massu en Allemagne et s'assure de la fidélité de l'armée en cas de besoin. Le lendemain, le Général de Gaulle annonce la dissolution de l'Assemblée et les gaullistes défilent sur les Champs Elysées. Dans la première quinzaine de juin, les manifestations sont interdites et les négociations entre syndicats ouvriers et patronnat s'accélèrent, à partir du cadre qui avait été défini à Grenelle, le 27 mai. Les 23 et 30 juin, les élections législatives se soldent par une victoire écrasante de la droite.
La crise s'achevait sans faire disparaître les raisons profondes qui l'avaient provoquée. Mai-68 laissera des traces indélébiles dans le paysage français en termes d'acquis sociaux et culturels : participation des travailleurs dans les entreprises (loi sur le droit syndical), des élèves et des parents d'élèves à l'éducation (création des conseil d'administration et conseil de classe), reconnaissance accrue des femmes dans la société, mixité dans les écoles, légalisation de la contraception, etc ... Un sondage CSA-Nouvel Observateur de Mars 2008 montre que 60 à 80% des français ont une opinion positive de l'héritage de Mai-68. Ignorer cette évidence, comme le souhaite Nicolas Sarkozy, relève de l'autisme politique et d'un désir de régression sociale qui va à l'encontre des attentes de nos concitoyens.
Mais pour quelle bonne raison Nicolas Sarkozy veut-il faire l'impasse sur Mai-68 ? En voici une parmi bien d'autres. Après un an de pouvoir, bien loin de ce qu'il avait promis, le pouvoir d'achat des français n'a fait que baisser. Oublier Mai-68 c'est vouloir ignorer que les acquis sociaux négociés à Grenelle (une augmentation de 37% du SMIG et de 10 à 13% des salaires) allaient relever le pouvoir d'achat des ménages, alors que le patronnat français laissait entendre que l'énonomie courait à sa perte. Bien au contraire, l'économie connut un redressement spectaculaire. Que voyons nous aujourd'hui ? Quarante ans après les négociations de Grenelle, L'Expansion du 27 mai 2008 (date anniversaire) nous apprend que les revenus des patrons du CAC 40 ont augmenté de 58% pour la seule année 2008. Face à cette "bonne nouvelle", les salaires sont en stagnation et les ménages n'arrivent plus à faire face à l'augmentation du prix des matières premières; les suppressions d'emploi s'accélèrent à cause de la délocalisation d'entreprises qui affichent des hausses de productivité records. Monsieur le Président, les français ne sont pas dupes. L'histoire leur enseigne que des solutions existent. Encore faut-il aller les chercher là où elles se trouvent, plutôt que de les ignorer en cultivant l'autisme et l'amnésie.

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